Nous sommes au 25, Champs-Elysées, c’est-à-dire tout en bas à droite (en les descendant). Le bâtiment est en retrait, sa façade partiellement dissimulée par l’auvent d’un restaurant (le XXV).

C’est à cet endroit précisément que vers 1840 une jeune prostituée se blessa (légèrement) en se faisant éjecter par un client pressé d’un carrosse dans lequel elle venait de terminer sa prestation, et jura de se faire construire à cet endroit un hôtel particulier...

La jeune personne, qui se faisait appeler Thérèse, s’appelait en réalité Esther Lachmann, née en 1819 à Moscou de parents juifs polonais et fraîchement débarquée à Paris. Son physique avenant et son savoir-faire lui assurèrent une ascension rapide et lui firent rencontrer le pianiste Henri Hertz qui lui-même l’introduisit dans les milieux artistiques de son temps. Elle apprend vite, très vite, les manières du monde et devient une des femmes les plus élégantes de Paris. Après son divorce et un séjour à Londres (où elle fréquente les milieux aristocratiques), elle regagne Paris en 1848 et  épouse la marquis portugais Aranjo de Païva dont elle se sépare rapidement mais dont elle garde le nom («qui sonne bien»). Veuve au début des années 70, elle épouse le comte Guido Henckel von Donnersmarck, richissime industriel silésien de 11 ans son cadet et cousin de Bismarck. Il lui offre un hôtel particulier au 28, place Saint-Georges, puis finance (10 millions or) la construction (1856 - 1865) de l’hôtel sur les Champs-Elysées où elle tient un salon que fréquentent les personnalités du monde littéraire, artistique et politique de l’époque.

Soupçonnée (après la guerre de 1870) d’espionnage au profit de l’Allemagne, elle quitte la France et se retire en Silésie où elle décède en 1884.

D’extraction très modeste puis successivement marquise portugaise et comtesse prussienne, la Païva laissera le souvenir d’une des plus célèbres salonnières et demi-mondaines du XIXème s. à Paris.